Radio-Canada en Ukraine
Une intervention militaire de la Russie mènera à la guerre, a averti samedi le président ukrainien par intérim, Oleksander Tourchinov.
Il a fait cette annonce après une réunion de trois heures avec les chefs des services de sécurité du pays, ajoutant qu'il n'y a aucune justification à ce qu'il qualifie d'agression russe contre son pays. Les forces armées ukrainiennes sont en état d'alerte depuis samedi matin.
« Une intervention militaire marquerait le début de la guerre et la fin des relations entre l'Ukraine et la Russie, » — Arseni Iatseniouk, premier ministre ukrainien
Le premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, a demandé à son homologue russe le retour des troupes russes dans leur caserne.
Débarquement russe
Le Conseil de la fédération, la chambre haute du Parlement russe, a approuvé samedi une demande du président Vladimir Poutine qui souhaitait avoir « recours aux forces armées russes sur le territoire de l'Ukraine, jusqu'à la normalisation de la situation politique dans ce pays ».
Dans un communiqué, le Kremlin indique que cette mesure est nécessaire « en raison de la situation extraordinaire en Ukraine et de la menace pesant sur la vie des citoyens russes, de nos compatriotes, des forces armées russes déployées en Ukraine ».
La formulation utilisée par la Russie laisse entendre que son armée pourrait intervenir dans toute l'Ukraine, et pas seulement en Crimée. Cette région autonome à majorité russophone est le théâtre de nombreuses manifestations depuis la destitution du président ukrainien Viktor Ianoukovitch, la fin de semaine dernière.
Vladimir Poutine n'a toutefois pas encore pris de décision, a déclaré son porte-parole, peu après le vote du Parlement.
« On assiste à une invasion militaire de la Crimée par la Russie, en violation de tous les traités internationaux », estime Dominique Arel, professeur et titulaire de la Chaire d'études ukrainiennes à l'Université d'Ottawa.
« L'occupation russe a commencé jeudi en Crimée. Alors, c'est une formalisation de ce qui est déjà entamé depuis 48 heures », a-t-il précisé lors d'une entrevue accordée à Radio-Canada.
Selon l'expert, il serait surprenant que l'armée ukrainienne soit en mesure de riposter. « Qui peut faire le poids face à l'armée russe en Europe? Je ne crois pas qu'on va en venir à un affrontement armé entre l'Ukraine et la Russie. C'est plutôt une occupation militaire de fait de la Russie. »
État d'alerte
Plus tôt dans la journée, l'armée ukrainienne a été placée en état d'alerte après l'arrivée présumée de 6000 soldats et de 30 blindés russes en Crimée.
La Crimée abrite la flotte russe de la mer Noire. La Russie a donc le droit de déplacer des troupes sur le territoire de la péninsule, mais elle doit d'abord en informer les autorités ukrainiennes 72 heures à l'avance. Or ces nouveaux renforts auraient été envoyés sans préavis ou autorisation de l'Ukraine.
Plus tard, deux frégates anti-sous-marines russes ont pris position au large des côtes de Crimée, toujours en violation de l'accord régissant le bail dont bénéficie la Russie.
Ces deux navires de guerre, précise une source militaire ukrainienne citée par l'agence Interfax, font partie de la flotte de la Baltique et ont été signalés dans la baie de Sébastopol.
D'autres navires de guerre, cette fois-ci ukrainiens, ont quitté leur base pour empêcher la capture de bases militaires et de bâtiments de la marine, selon des gardes-côtes cités par l'agence Interfax.
L'espace aérien de l'aéroport international de la capitale de la région, Simféropol, est fermé. Selon des sources ukrainiennes, des soldats russes contrôlent cet aéroport depuis hier. Les soldats contrôleraient également les aérodromes militaires de Belbek et de Kirovskoye.
Par ailleurs, le siège des gardes-côtes ukrainiens à Sébastopol aurait été pris d'assaut samedi par environ 300 hommes qui auraient affirmé être mandatés par le ministre russe de la Défense.
« Une tentative est en cours pour occuper le siège des gardes-côtes à Sébastopol. Tous les navires sont en alerte », affirme un communiqué du service des gardes-frontières ukrainiens.
Samedi, des journalistes ont indiqué avoir aperçu des hommes armés et cagoulés patrouillant dans les rues de Simféropol. Certains se tenaient près du parlement de Crimée, selon des témoins.
Les hommes qui gardent les immeubles gouvernementaux des principales villes de Crimée sont des membres de la flotte russe dans la mer Noire, a plus tard indiqué le premier ministre de la Crimée, Sergueï Aksionov.
Des hommes se présentant comme des membres d'une milice locale contrôlaient également la route principale liant la Crimée au reste de l'Ukraine.
Vendredi, le ministre Peniouk avait dit être en possession d'informations selon lesquelles des forces non identifiées avaient l'intention de désarmer les troupes gouvernementales présentes en Crimée.
Le ministre ukrainien de l'Intérieur avait aussitôt montré du doigt l'armée russe et dénoncé une « invasion armée », une accusation alors démentie par Moscou.
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