L'État islamique revendique l'attentat au musée du Bardo

Lendemain d'attentat en Tunisie : reportage de Sylvain Desjardins

Dans un enregistrement audio diffusé jeudi, le groupe armé État islamique (EI) revendique l'attentat qui a fait 23 morts, mercredi, au musée du Bardo, à Tunis. L'organisation djihadiste y soutient que « l'attaque bénie contre l'un des foyers des infidèles en Tunisie musulmane » n'est qu'un « début ».

L'EI affirme que l'opération sanglante a été menée par « deux chevaliers du califat, Abou Zakaria al-Tounsi et Abou Anas al-Tounsi », qui sont « parvenus à assiéger un groupe de ressortissants des pays croisés [...] semant la terreur dans le coeur des infidèles ».

« Ce que vous avez vu, ce n'est que le début. Vous n'allez jouir ni de sécurité ni de paix. » — Extrait de l'enregistrement audio de l'État islamique

Selon le plus récent bilan du ministère de la Santé, 18 touristes étrangers et 3 Tunisiens ont été tués par les deux hommes, qui ont eux-mêmes été abattus par les forces de sécurité. Sept victimes n'ont pas été formellement identifiées. Pas moins de 44 personnes ont été blessées, dont 6 grièvement.

Trois Japonaises, deux Français, deux Espagnols, un Colombien, un Australien, une Britannnique, une Belge, un Polonais et un Italien sont notamment au nombre des victimes. Le croisiériste MSC soutient que neuf des victimes voyageaient sur un de ses paquebots, le MSC Splendida.

Selon le ministère de l'Intérieur, les assaillants s'appellent Yassine Laabidi et Hatem Khachnaoui et sont « probablement » Tunisiens.

Plus tôt en matinée, le premier ministre Habib Essid avait déclaré à la radio française RTL que le gouvernement ne pouvait les lier à une organisation terroriste. Il avait précisé que Laabidi était connu des services de police.

De son côté, la présidence tunisienne a fait savoir que l'armée va être déployée dans les principales villes de Tunisie pour y renforcer la sécurité. Elle a aussi annoncé l'interpellation de neuf personnes suspectées d'avoir été en relation avec les deux hommes.

« Le chef du gouvernement [...] a indiqué que les forces de sécurité avaient pu arrêter quatre éléments en relation directe avec l'opération et cinq autres soupçonnés d'être en relation avec cette cellule », a-t-elle indiqué dans un communiqué sans préciser le rôle ni l'identité des suspects.

Le président Béji Caïd Essebsi a tenté de rassurer la population mercredi, dans une allocution télévisée. « Je veux que le peuple tunisien comprenne que nous sommes en guerre contre le terrorisme [...]. Je veux que le peuple tunisien se rassure [...] ces traîtres seront anéantis », a-t-il dit.

Le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, se rendra à Tunis vendredi pour rencontrer son homologue tunisien. Les deux hommes se pencheront sur « l'ensemble du dispositif [de coopération antiterroriste franco-tunisienne] qu'il faut encore davantage renforcer », a dit jeudi le premier ministre, Manuel Valls.

Manifestation à Tunis

Une trentaine d'associations, dont le plus important syndicat du pays, l'UGTT, des mouvements étudiants et des organisations de défense des droits de la personne ont appelé à un rassemblement silencieux débutant à 16 h, heure locale (11 h, HAE) près du musée du Bardo, au nom de « l'unité nationale dans la lutte contre le terrorisme ».

Le chef du parti islamiste Ennhada, Rached Ghannouchi, s'est dit convaincu que « le peuple tunisien se tiendra uni face à la barbarie ».

Mercredi soir, plusieurs centaines de personnes s'étaient déjà rassemblées dans le centre de Tunis pour dénoncer cette attaque, en scandant notamment « La Tunisie est libre, les terroristes dehors ».

Les journaux font écho à ces appels à l'unité nationale. « Institutions de l'État, société civile, médias et citoyens sont appelés à agir comme un seul homme pour placer les intérêts de la patrie au-dessus de toute considération politique, partisane, corporatiste ou idéologique », écrit le quotidien La Presse.

« La mobilisation doit être générale, la cohésion totale et le sentiment de responsabilité partagé par tous », poursuit-il.

Des craintes pour l'industrie touristique

Selon le premier ministre Essid, l'impact économique de l'attaque du musée du Bardo sera « terrible ». Le tourisme compte pour 7 % du produit intérieur brut tunisien, ce qui en fait l'un des secteurs stratégiques du pays, et la saison forte commence à peine.

« Nous avons une saison touristique qui a déjà certains problèmes. Avec cet acte barbare, cela va encore approfondir les difficultés de certains secteurs », a-t-il dit. « Ce qui s'est passé hier à Tunis peut se passer à n'importe quel endroit du monde. »

Les croisiéristes lui donnent d'ailleurs raison. Le groupe italien Costa Croisières a annoncé jeudi qu'il annule toutes les escales de ses navires prévues à Tunis. Son concurrent MSC a fait de même peu après.

Costa Croisières a fait savoir qu'un de ses navires, le Fascinosa, transportait 3 des victimes. Huit autres de ses passagers ont été blessés, et deux sont portés disparus. Le Fascinosa a quitté Tunis jeudi matin.

« Après ce qui est arrivé à Tunis, nous avons décidé d'annuler toutes les prochaines escales de nos navires à Tunis, prévues sur le Costa Fortuna, le Costa Favolosa et le Costa NeoRiviera », a fait savoir la compagnie.

Le MSC Splendida, à bord duquel voyageaient 9 des victimes, a aussi quitté Tunis jeudi matin. Il comptait à son bord 3714 passagers et 1267 membres d'équipage à son arrivée. Douze autres passagers ont été blessés et six ne sont pas remontés à bord, a fait savoir MSC jeudi matin.

À bord des deux paquebots, un soutien psychologique a été proposé, et des lignes téléphoniques et des connexions Internet gratuites ont été mises à la disposition des passagers désirant rassurer leurs proches.

L'allemand Hapag-Lloyd Croisières a aussi annulé son seul voyage à destination de Tunis prévu au cours des prochains mois. La maison mère du croisiériste TUI dit qu'elle surveillera « comment la situation évolue au cours des prochaines semaines et mois ».

De son côté, la firme Accor, première chaîne hôtelière européenne, dit avoir renforcé la sécurité dans ses deux établissements tunisiens.

Selon le gouvernement tunisien, les pertes pour l'industrie touristique pourraient être d'environ 885 millions de dollars canadiens pour la saison en cours.

La crainte de répercussions économiques a par ailleurs fait reculer la Bourse de Tunis de 2,5 % jeudi. 

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