L'État islamique avance dans Kobané

Situation à Kobané : reportage de Frédéric Nicoloff

Les combattants du groupe armé État islamique (EI) continuaient d'avancer, jeudi, vers le centre de Kobané, dans le nord de la Syrie, même si la coalition internationale menée par les États-Unis a intensifié jeudi ses frappes aériennes contre leurs positions. 

Les terroristes ont repris le tiers de la ville au cours de la nuit, après avoir été repoussés la veille par les raids de la coalition.

Après trois semaines de combats et de résistance acharnée des combattants kurdes, « tous les quartiers est, une petite partie du nord-est et un secteur dans le sud-est » sont actuellement contrôlés par l'EI, a déclaré Rami Abdelrahman, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Les membres de l'EI se sont emparés de l'immeuble des forces de sécurité kurdes, dans le nord-est de la ville, et se rapprochent du « carré de sécurité » qui abrite les bâtiments officiels et le commandement des Unités de protection du peuple, la principale milice kurde, a précisé l'ONG.

Les peshmerga, qui défendent la ville avec l'énergie du désespoir, lancent des appels à l'aide les uns après les autres, affirmant que la chute de Kobané se terminera par un massacre.

Un haut responsable cité par l'AFP affirme que les militaires américains sont certes conscients de la situation humanitaire urgente des Kurdes à Kobané, mais, selon lui, ils ne considèrent pas cette ville comme stratégique.

Les frappes se poursuivent, les divergences demeurent

L'armée américaine a indiqué que la coalition avait mené neuf frappes supplémentaires jeudi contre des positions de l'EI, après les cinq autres annoncées plus tôt dans la journée.

Le Pentagone a reconnu que « les frappes à elles seules ne vont pas sauver » la ville, soulignant la nécessité d'avoir des troupes « compétentes » en Syrie.

Malgré les pressions internationales et les appels désespérés des populations kurdes, la Turquie refuse catégoriquement d'intervenir militairement.

Le ministre turc des Affaires étrangères a d'ailleurs indiqué qu'il ne fallait pas « s'attendre à ce que la Turquie lance une intervention militaire terrestre par elle-même ». 

Devant les réticences de la Turquie, Washington a exprimé sa frustration et dépêché à Ankara le coordonnateur de la coalition, le général John Allen, pour la convaincre de déployer des troupes au sol.

Avec le soutien de Paris, Ankara plaide de son côté pour l'instauration d'une zone tampon entre la Syrie et la Turquie afin de protéger les populations fuyant la guerre et les secteurs tenus par la rébellion modérée contre le régime de Bachar Al-Assad. Une telle décision devrait recevoir l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU, a pour sa part jugé la Russie. Mais, pour la Maison-Blanche, le sujet n'est même pas à l'ordre du jour. De passage dans la capitale turque, le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a affirmé que la question ne figurait « pas encore au menu des discussions » de l'organisation.

Située à la frontière de la Turquie et de la Syrie, Kobané représente un point névralgique de la guerre que les forces kurdes livrent seules aux extrémistes armés dans le nord de la Syrie, sous le regard passif des forces turques massées de l'autre côté de la frontière. S'il réussissait à conquérir la ville, l'EI s'assurerait la maîtrise d'une longue bande de territoire.

Les djihadistes ont pris près de 70 villages sur le chemin de Kobané depuis le début de leur offensive, à la mi-septembre.

Environ 200 000 civils ont déjà fui vers la Turquie pour échapper aux exactions commises par les djihadistes. Ces derniers maintiennent leur emprise sur de vastes territoires de l'Irak et de la Syrie en dépit des frappes aériennes de la coalition internationale dans les deux pays.

Les émeutes se poursuivent en Turquie

L'inaction d'Ankara provoque la colère des populations kurdes du sud-est de la Turquie, qui réclament à grands cris qu'Ankara se porte à la défense de Kobané et des populations kurdes du nord de la Syrie.

Malgré le couvre-feu militaire imposé mercredi dans six provinces turques à majorité kurde, de nombreuses villes ont continué à être le théâtre de manifestations et de heurts entre la police turque et les manifestants prokurdes. Ces manifestations ont fait plus de vingt morts depuis mardi soir.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a mis en garde les manifestants kurdes à l'origine des émeutes qui ont déjà fait plus de 25 morts dans le sud-est de la Turquie. « Nous ne tolérerons pas le moindre acte de menace ou d'intimidation qui remet en cause la paix en Turquie, sa stabilité et sa sécurité et nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour combattre tous ceux qui commettent de tels actes d'intolérance », a déclaré M. Erdogan.

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