Le reportage de Philippe Leblanc
La décision du président américain d'annuler sa rencontre avec Vladimir Poutine déçoit le Kremlin, qui considère ce geste comme un refus de la part de Washington de coopérer « sur un pied d'égalité ».
Mercredi, le président Obama a annulé sa rencontre qui devait avoir lieu en marge du sommet économique du G20 à Saint-Pétersbourg, au début septembre. « Les relations bilatérales avec la Russie n'ont pas enregistré assez de progrès récents pour qu'un sommet américano-russe se déroule début septembre », a indiqué Jay Carney, porte-parole de la Maison-Blanche.
Le président Obama avait déjà donné le ton mardi, lors d'un entretien télévisé, en reprochant à la Russie de revenir parfois à « une mentalité de la guerre froide ».
Les relations entre Moscou et Washington, déjà affaiblies notamment par leur différend sur la crise syrienne, se sont détériorées en raison de l'asile accordé par la Russie à l'Américain Edward Snowden, ancien analyste qui a révélé l'ampleur du programme de surveillance des communications électroniques par les services de renseignement de son pays.
En réaction à l'annonce de la Maison-Blanche, le conseiller en politique étrangère du président Poutine, Yuri Ouchakov, a soutenu une fois de plus que la Russie n'a eu d'autre choix que d'accorder l'asile à Edward Snowden, en l'absence d'un traité bilatéral d'extradition. « Cette décision est clairement liée à la situation avec l'ancien agent des services spéciaux américains, qui n'a pas été créée par nous », a-t-il soutenu.
Les rencontres entre les ministres de la Défense et des Affaires étrangères des deux pays prévues vendredi à Washington sont toutefois maintenues, et la participation de M.Obama au G20 les 5 et 6 septembre n'est pas remise en cause, a indiqué la Maison-Blanche.
La Russie a par ailleurs indiqué que le président Obama était toujours invité à se rendre à Moscou le mois prochain, et que « les représentants russes sont prêts à continuer de travailler avec nos partenaires américains ».
Un retour de la guerre froide?
Luc Duhamel, professeur au département de science politique de l'Université de Montréal, estime que le président américain n'avait pas d'autres choix que d'annuler sa rencontre. En effet, M. Obama fait face à d'importantes pressions politiques, notamment de la part de la droite américaine, selon M. Duhamel. Il considère par ailleurs que Vladimir Poutine a souhaité montrer l'image d'une Russie « forte » en accordant l'asile à l'ancien agent du renseignement, malgré les contestations des États-Unis. « Il est en général antiaméricain », considère M. Duhamel, en entrevue à l'émission 24 heures en 60 minutes.
La décision de M. Poutine a été payante sur le plan politique, constate M. Duhamel. « Il est revenu en force dans les sondages avec son attitude d'homme fort », explique M. Duhamel. Par ailleurs, des élections municipales devront avoir lieu dans les prochaines semaines en Russie et M. Duhamel estime que ce regain de popularité permettra à M. Poutine de faire élire ses alliés.
Toutefois, la Russie ne pourra indéfiniment tenir tête aux États-Unis, estime M. Duhamel. « Ce n'est pas possible pour la Russie, à moyen ou à long terme, de se considérer comme une grande puissance comme les États-Unis », dit M. Duhamel, qui estime que la décision de M. Obama n'annonce en rien un retour de la guerre froide.
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